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Kill The Hype #2 : Hedvig Mollestad Trio + Chaos Echœs + Domadora 28/09/2013 @ La Boule Noire, Paris

Portrait de Julien
Kill The Hype #2 : Hedvig Mollestad Trio + Chaos Echœs + Domadora 28/09/2013 @ La Boule Noire, Paris

19.00. Il se passe toujours des choses étranges à Pigalle. Patienter devant La Boule Noire, tandis qu’un groupe de touristes attifés en Hawaiens d’opérette (chemises fleuries, faux seins en noix de coco, chapeaux weirdos) font la queue pour entrer dans La Cigale, relève encore de l’acceptable. Kill the Hype #2 donc, doté d’un programme pour le moins alléchant. Sans Aqua Nebula Oscillator, hélas, ayant annulé la veille. Pas un caprice de star. La triste conséquence de contingences financières. Rien de plus que des problèmes humains. Nous oublions souvent que nombre de groupes que nous écoutons depuis des dizaines d’années ne vivent pas de leur musique. Composer avec une source régulière de revenus est indispensable, parfois sclérosant.

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Domadora

Le programme de la soirée s’en retrouve réorganisé, et c’est Domadora qui vient compléter les deux autres groupes de manière très cohérente. Ce soir : instrumental et jam.

Domadora provoque parfois l’impression d’écouter le thème magistral d’un film des années 70s.

Ouvrant vers 19.30 dans une salle où peu de monde est encore présent, le trio s’ingénie morceaux après morceaux à diffuser des rythmes lancinants, lourds, hypnotiques, en un mot : protéiformes. Domadora provoque parfois l’impression d’écouter le thème magistral d’un film des années 70s (parfaite mythologie de « faire de la route »). Certains finals atteignent l’intensité d’un FreeBird pour notre plus grand plaisir. L’entente est grande entre les musiciens, donnant à penser que ce qu’ils veulent entreprendre fonctionne : Domadora tient à nous faire tripper et ça marche. Mais les morceaux peuvent aussi tourner à la session jam pure, durer un peu trop longtemps. Et l’enthousiasme suscité tend à s’affadir. Dommage. Peu d’applaudissements viendront saluer leur prestation. Là encore dommage. Il est bien difficile de jouer dans une salle que le public a boudée. Là encore dommage.

 

Chaos Echœs

Chaos Echoes sonne comme une expérience bruitiste mise en ordre par des musiciens maniaques.

Après 10 minutes de battement, Chaos Echoes prend le relais. Dire que le groupe n’a rien d’académique est encore trop peu. Il sonne comme une expérience bruitiste mise en ordre par des musiciens maniaques — mention spéciale au batteur qui semble emporter tout le groupe derrière lui. Chaoes Echoes frappe par l’effet produit sur le corps humain, du fait de l’utilisation des nappes, de la réverbération, des nappes et des infrabasses. Il n’y a pas que l’oreille interne qui trinque. Happés par un rayon tracteur, nous voilà embarqués dans des paysages sonores fondamentalement inhospitaliers, léthifères, que le guitariste donne à voir, presque en transe.

A la fin du set, le public encore clairsemé salue généreusement le groupe. La démonstration est plus que convaincante. Il en faut du brio pour produire une telle matière. Mais l’expérience est aussi très inconfortable. En dépit d’envolées lyriques, l’ensemble est âpre. Pour que le plaisir soit entier, il faudrait que Chaos Echoes échange davantage avec son public et ne contente pas de jammer les uns avec les autres. Et s’il est un reproche à leur faire ce soir, c’est bien d’avoir été trop égocentrés.

 

Hedvig Mollestad Trio

Il ne s’agit pas de jam à proprement parler, mais d’une synthèse de jam, décomplexé et travaillé avec la plus grande rigueur.

Brève pause, et Hedvig Mollestad Trio entame le dernier concert de la soirée. Rien de ce que nous avons écouté n’était évident, mais le terme de stoner jazz l’est encore moins. Déjà, voir une contrebasse sur scène a quelque chose d’incongru. Mais lorsque le trio norvégien arrive sur scène, après avoir revisité les costumes d’une orchestration classique de jazz (la guitariste semble avoir pour uniforme une magnifique robe à paillettes — voir les photos du Duna Jam), nous comprenons vite que le trio n’est pas là pour cultiver un aspect nostalgique du jazz. Quelques morceaux suffisent vite à s’en convaincre. L’alchimie entre les musiciens ne peut être plus complète. Il ne s’agit pas de jam à proprement parler, mais d’une synthèse de jam, décomplexé et travaillé avec la plus grande rigueur. La section rythmique est exemplaire. Nous avons encore affaire à un batteur de génie auquel s’associe une bassiste, alternant basse électrique et contrebasse avec laquelle elle nous offrira un surprenant solo. Le jeu de guitare est quant à lui proprement hallucinant. Thomassen démontre qu’elle est capable de tout : stoner, heavy, desert rock mélancolique et intimiste. La capacité du groupe à surprendre par le jeu et l’effet produit sur le public est sans fin.

Arrivés avec quelques minutes de retard pour cause de shopping, Hedvig Mollestad Trio offre un magnifique cadeau à l’organisateur de la soirée, Abdelwaheb Didi, sous la forme du morceau « The King » séduisant par une ouverture pachydermique (dans un sens très heureux du terme). Des cadeaux, le groupe en offrira aussi de nombreux au public, en parlant régulièrement entre les morceaux, et en montrant que le « genre » jazz n’a pas été confisqué et peut être revivifié une fois encore, grâce à une culture énorme.

Vers la fin du set, un « I love you ! » fuse du public, adressé à la guitariste. A moins qu’il ne s’agisse d’une déclaration adressée à tout le groupe pour le plaisir procuré.

Crédits photos : Patrick Baleydier

J'aime les chats roux, les pandas roux, Josh Homme et Jessica Chastain.

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