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Helmet 10/11/14 @ Flèche d’Or, Paris

Portrait de Matiu
Helmet 10/11/14 @ Flèche d’Or, Paris

Quel peut bien être l’intérêt de jouer en live un album vieux de 20 ans ? Page Hamilton, aux commandes de son groupe Helmet, avait une petite idée sur la question en venant rejouer sur scène à la Flèche d'Or l'intégrale de Betty, 20 ans après sa sortie.

Il y a 20 ans, j'avais 20 ans.

Il y a 20 ans, j'avais les cheveux long, mais je n'écoutais pas de métal. Je n'étais donc pas vraiment préparé à me prendre une claque qui, 20 ans plus tard, résonnerait toujours dans mes oreilles.

Je suis passé de la K7 au MP3 mais Betty m'accompagne toujours.

Et pourtant après toutes ces années, Betty fait bien partie de la petite dizaine d'albums qui ne quittent plus ma playlist. Je suis passé de la K7 au MP3 mais Betty m'accompagne toujours. Et si cet enregistrement reste pour moi l'album parfait de Helmet, c’est principalement grâce au son concocté par le gars derrière la console, Butch Vig. Producteur au sommet de son art à l’époque, après avoir enregistré presque coup sur coup le Nevermind de Nirvana, le Bricks are Heavy de L7, le Dirty de Sonic Youth...

Avec Helmet, Butch Vig réussit en 1994 une alchimie inégalée. Les notes de basse posées sur le kick de grosse caisse qui produisent un effet d'aspiration dans le mur de guitare parfaitement compact de Hamilton et Echeverria. Le groove plombé comme un TB-TT, la caisse claire picolo qui pète sur le temps, les progressions d'accords improbables et les stop and go taillés au scalpel. Betty est en 1994 un ovni qui ouvre le rock indé sur le son métal. Betty c’est aussi un album avec une couverture champêtre publié en vinyle par Amphetamine Reptile Records, le label qui nous a fait découvrir Melvins et Unsane. Là aussi, ovni, et décalage. Tout ce qu'il fallait pour faire un album culte.

 

Et 20 ans plus tard, Betty en concert, ça donne quoi?

Hé bien ça donne une salle de la Flèche d’Or pleine a craquer, avec un public dont la moyenne d’âge dépassait bien les 40 ans, et tous bien content de se retrouver là. Pas de première partie, Hamilton et sa bande montent sur scène à 20h, alors que tout le monde est encore accoudé au bar. Et dès le premier accord de « Wilma's Rainbow », c’est la claque. Un son magistral proche de la perfection qui cloue tout le monde sur place. Massif, phénoménal, c'est le rêve éveillé, retrouver son album favori en live. C'est aussi une technicité époustouflante, Betty étant de l'aveu même de Page Hamilton l'album de Helmet le plus difficile à jouer.

Dès le premier accord de « Wilma's Rainbow », c’est la claque.

Mais le gars est un vétéran à qui on ne la fait pas et qui sait s'entourer. Le groupe qui l'accompagne sans changement notable de personnel depuis 2008 est absolument impeccable. Chaque enchainement est maitrisé à la perfection. Tellement parfait que c’en est peut-être un peu trop.

L'impression ne me lâchera pas pendant toute la première heure, où Helmet va jouer l'intégralité de l'album Betty. Dans l'ordre. Sans interruption. Sans parler. Alors oui, la moindre note y est, le moindre grat-grat, le moindre larsen, même le solo jazzy et le delay sur la voix. Tout est là. Une reproduction minutieuse, quasi maniaque, jusque dans les moindres détails.

Mais est-ce que trop de perfection ne tuerait pas un peu le plaisir de jouer ? En seconde partie du show, après que Page Hamilton se soit envoyé un petit whisky-bière, le concert se poursuivra dans le même esprit de collectionneur tatillon : le boss annonce en effet son intention de jouer « toute la première face de Aftertaste » ... « La première face »? Qui en dessous de 40 ans parle encore de première et seconde face d'un album ?

Pourtant le résultat est là, tout aussi stupéfiant d’efficacité et de puissance maitrisée. Et pour faire bonne mesure, les américains achèvent tout le monde avec un « In the Meantime » grandiose.

On peut donc dire que le contrat était très largement rempli et que la musique de Helmet passe parfaitement le test du temps. Mais l’ensemble manquait peut-être un peu de folie, de joie communicative. Ajoutez à cela que le concert s'est terminé à 22h pétantes, vous obtenez un concert de quarantenaire parfait : retrouver les hymnes de sa jeunesse, remuer la tête en rythme, boire un petit whisky et pouvoir se lever sans trop de difficultés le lendemain matin.

 

Crédits photos : Patrick Baleydier

Mangeur de udons, buveur de whisky, amateur de sci-fi et de musique indé. Dilettante professionnel.

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