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Hellfest 2014 - Jour 01 : "Ô douce vallée…"

Portrait de Estelle
Hellfest 2014 - Jour 01 : "Ô douce vallée…"

Chaque année, c’est le même rituel. L’agent de sécurité vérifie mon pass puis me souhaite un bon festival. Je marche quelques minutes avant d’atteindre une immense porte et quand je l’ai finalement traversée, je m’arrête quelques instants pour savourer ce moment… Après une longue année d’attente, me voilà enfin de retour au Hellfest.

A-t-on encore besoin de présenter le 2e festival de France ? Ses 6 scènes, les 120 groupes qui se relaient durant 3 jours et sa capacité à rassembler des milliers d’amateurs de musique venus du monde entier ? Je ne pense pas.

Cette année encore, la programmation nous réserve de belles surprises, mêlant habilement groupes confirmés et pépites en devenir. Et une fois encore, je vais passer la quasi-totalité du festival sous une tente. Que dis-je, sous LA tente : la Valley. Mon cœur lui appartenant depuis sa création, quoi de plus logique que d’y débuter cette édition 2014 ?

 

Conan

"Et dire qu’il n’y a que la guitare…"

"Et dire qu’il n’y a que la guitare…". Conan n’en est qu’au stade des balances mais le déferlement sonore est tel que certains s’inquiètent déjà de ce qui va arriver. Le ton est donné.

La musique de Conan est l’archétype du doom : relativement basique dans sa structure mais tellement grasse qu’elle balaie tout sur son passage. Bien cachés sous leur capuche, les trois Anglais prennent un malin plaisir à malmener l’auditeur. Après avoir imposé un rythme lancinant dans lequel on s’abandonne sans résistance, ils balancent un passage plus rapide qui nous sort brutalement de notre torpeur. Mais pas d’inquiétude, quelques minutes plus tard, nous voilà à nouveau plongés dans les abymes. Et dire que je croyais qu’on ne pouvait pas toucher le fond de si bon matin…

 

Caspian 

Au fil des ans, les Américains ont acquis une réputation plus qu’élogieuse

Ce n’est pas un secret, le post-rock est un genre où il est difficile de se démarquer du voisin. Certains groupes y parviennent néanmoins ; parmi eux, Caspian. Au fil des ans, les Américains ont acquis une réputation plus qu’élogieuse et il suffit de les voir sur scène pour comprendre qu’elle est amplement méritée.

Si les morceaux instrumentaux peuvent parfois perdre en intensité en conditions live, c’est tout le contraire qui se produit ici. Sublimée, la musique de Caspian gagne en ampleur jusqu’à atteindre de vrais moments de grâce.

On sent que tout a été minutieusement travaillé et pensé en amont, de la superposition des nappes de guitare au lancement des samples. Mais attention, souci du détail ne signifie pas pour autant groupe statique condamné à garder les yeux rivés sur ses pédales d’effets. Voir Caspian évoluer sur scène est un véritable plaisir. Chaque note, chaque regard, montre à quel point musique et musiciens ne font qu’un. Et si on en doutait encore, la superbe "Sycamore" finit de nous convaincre.

 

Royal Thunder

La curiosité et plusieurs recommandations me poussent à tenter ma chance auprès de Royal Thunder. Musicalement, c’est le rock tout droit sorti des 70’s qui est à l’honneur. Sur le papier, rien de bien original, à un détail près. C’est une chanteuse-bassiste qui mène la danse. Un brin mystérieuse, Miny Parsonz attire tous les regards et son timbre vocal si particulier ne met pas longtemps avant d’envoûter le public. Malheureusement, le soufflet retombe rapidement et la lassitude finit par s’installer. Dommage.

 

Kadavar

Le résultat est immédiat : le trio réussit enfin à débrider le public de la Valley, jusque là assez sage.

Sans trop savoir pourquoi, j’avais rangé Kadavar dans la catégorie des groupes de rock psyché indiscernables les uns des autres, et dont le nombre augmente inexorablement depuis quelques années. Il n’a fallu qu’un petit morceau pour me rendre compte de mon erreur.

Si les membres de Kadavar ont bel et bien et bien été biberonnés au rock 70’s, ils ont opté pour sa version punchy. Celle qui donne envie de secouer la tête frénétiquement en se dandinant. Le résultat est immédiat : le trio réussit enfin à débrider le public de la Valley, jusque là assez sage. Alors effectivement pour l’originalité, on repassera, mais la musique est tellement bien ficelée qu’on en oublie ce petit détail. Chers Kadavar, je me suis lourdement trompée sur votre compte. Je ne recommencerai plus, promis.

 

Sepultura

Le concert de Sepultura approchant, je décide enfin de quitter ma tente bien aimée pour découvrir la Main Stage 2. Le choc est rude. On a beau être en début de soirée, le soleil tape dur et des nuages de poussière s’élèvent au moindre pas. Ca promet.

Après 20 ans de carrière, Sepultura n’a plus rien à prouver. Ils pourraient se contenter de nous sortir un best-of de la grande époque, le succès serait garanti à coup sûr. Mais non, ils préfèrent axer leur set sur des titres issus de leurs deux derniers albums en date, "Kairos" et "The Mediator Between Head and Hands Must Be the Heart". Le public réagit bien, les pogos ne tardent pas à faire leur apparition, mais ce n’est rien comparé à la folie qui s’empare de la fosse durant "Propaganda", "Arise" ou "Roots Bloody Roots". Durant chaque "vieux titre", la scène est partiellement masquée par un immense nuage de poussière jaune, ce qui n’empêche pas d’apercevoir les sourires de Derrick Greene ou Andreas Kisser à travers les particules en suspension. Pas de doute, ils sont heureux d’être là. Ca tombe bien, nous aussi. La boucle est bouclée.

 

Electric Wizard

...l’impression que le temps devient élastique, s’étirant à l’infini avant de se rétracter brusquement

Par définition, un concert est une expérience sensorielle ; le décrire avec de simples mots est donc une tâche complexe. C’est encore plus vrai quand le concert en question est celui d’Electric Wizard. Leur musique ayant la faculté de me plonger dans un état proche de la transe avec une facilité déconcertante (et sans l’aide d’aucun produit illicite, je précise), mes souvenirs sont en général assez flous... Il n’y aura pas d’exception ce soir.

Outre l’impression que le temps devient élastique, s’étirant à l’infini avant de se rétracter brusquement, voilà les quelques bribes que je garde en mémoire : la palette de couleurs projetées sur l’écran, la voix de Justin Oborn qui psalmodie inlassablement, l’intro de "Black Mass", cette branche tendue vers le ciel (comprenne qui pourra)… Ces éléments mis bout à bout ne doivent pas dépasser la dizaine de minutes. Tout le reste est plongé dans un brouillard aussi épais que le Fog britannique… Dans un autre contexte, cette ellipse temporelle aurait eu quelque chose d’effrayant mais ici, elle est simplement le signe que le voyage s’est déroulé sans encombre. Et quel voyage…

 

Kvelertaaaaaaaak

Opportunistes, formatés, hype (l’insulte suprême)… Les Norvégiens sont la cible de nombreuses critiques

Si j’avais été raisonnable, j’aurais regagné mon doux logis après une expérience aussi intense. Seulement voilà, la Warzone s’apprête à accueillir un groupe dont la simple évocation fait immédiatement naître un sourire crétin sur mon visage. Kvelertak.

Opportunistes, formatés, hype (l’insulte suprême)… Les Norvégiens sont la cible de nombreuses critiques mais vu la foule présente malgré l’heure tardive, on se dit que beaucoup n’y prêtent pas attention. Leur réputation n’est plus à faire et quoiqu’en disent les mauvaises langues, leur succès n’est pas dû au hasard : un savant mélange de punk/rock/black metal ultra efficace, des morceaux fédérateurs et surtout, une énergie hallucinante sur scène. Difficile alors de ne pas se laisse happer par cet ouragan venu du Nord.

Quand Erlend Hjelvik, hurleur en chef, n’est pas en train de courir ou de sauter partout, il se lance à la conquête du public. Ce dernier réagit d’ailleurs au quart de tour à la moindre de ses sollicitations. Si le regard est forcément attiré par ce leader très charismatique, le reste du groupe vaut lui aussi le coup d’œil. Je pense notamment à Bjarte Lund Rolland qui enchaîne soli de guitare et autres plans alambiqués sans médiator. Respect.

"Bruane Brenn", "Fossegrim", "Evig Vandrar", "Blodtørst"… Les titres s’enchaînent, les sessions de air-guitar aussi et mes cordes vocales commencent à montrer des signes de faiblesse à force de hurler en norvégien. "Kvelertak" vient finalement mettre un terme à l’un des meilleurs concerts de la journée.

Vous vous souvenez du sourire crétin dont je parlais un peu plus tôt ? Il était toujours là au moment de sombrer dans un sommeil bien mérité.

 

Crédits photos : Time Warp Photos + CSAOH

Quand je ne regarde pas une compétition de saut à ski, j'écoute de la musique à un volume sonore déraisonnable.

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