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Godflesh + Extreme précautions + Amédée de Murcia & Guillaume Mikolojczyk 17/04/2015 @ Gaîté Lyrique, Paris

Portrait de DMDFC
Godflesh + Extreme précautions + Amédée de Murcia & Guillaume Mikolojczyk 17/04/2015 @ Gaîté Lyrique, Paris

La Gaieté Lyrique pour Godflesh. Pourquoi pas. Slint l’an dernier avait sa petite légitimité, j’associe cette salle à des événements plus arty et propres, pas forcément pour Broadrick et sa crasse toute punk dans sa mission vers la lourdeur pesante.

Avant ça, c’est un duo qui ouvre : Amedee De Murcia & Guillaume Mikolajczyk soit la moitié d’ Insiden avec Somaticae – c’est une soirée In Paradisum. On m’a assez mal vendu le truc, me parlant d’un truc chiant à crever. Mais je suis assez bon public pour toutes ces petites droneries électroniques, m’étant enquillé des kilomètres de disques du genre il y a des années. Les deux sont disposés au milieu de la salle, pas sur scène, autour d’une table goinfrée d’effets, d’instruments, de pédales et de contrôleurs, manipulés par Somaticae, tandis que son compère G. Mikolajczyk manipule un violoncelle. L’instrument à cordes se charge de donner le drone général, monotone, évoluant uniquement dans sa cadence, enveloppant la salle de sa profonde résonnance. Le long déploiement ondule et s’accouple avec les sons électroniques, pesants et agressifs. Les lentes évolutions et variations sonores s’étirent sur une grosse demi heure – peut-être plus, peut-être moins – mais la formule fonctionne assez bien, me rappelant quelque peu le Salt Marie Celeste de Nurse With Wound (facile) avec ses mantras.

Aussi instinctive et sauvage qu’elle soit sensée être, la musique d’Extreme Precautions affiche des moments d’une beauté qui laisse admiratif.

J’ai beau avoir vu l’affiche plusieurs fois, c’est seulement une fois en place que je réalise que Extreme Precautions est le projet de digi-grind de Mondkopf. Passé d’une IDM ( ?) élégante à un électronique de plus en plus exigeant et référencé rock, Paul Régimbeau est venu à un projet officiellement entièrement belliqueux, à l’idée simple : retranscrire derrière un laptop l’énergie débordante et carnassière du grindcore. Bêtement, je pensais que le projet dont je n’avais écouté qu’une poignée de morceaux voilà quelques mois allait honorer le projet dans la continuité d’un OLD, d’un Phantomsmasher ou même d’un Curse Of The Golden Vampire projet d’un certain Justin Broadrick et de Kevin Martin qui, à ma connaissance, n’a pas d’équivalent en terme de hargne et de haine audio. Extreme Precautions n’a que peu à voir avec ce genre de projet car Mondkopf (l’identité musicale) n’est jamais loin. Il y a bel et bien quelques blasts ici et là. Mais c’est finalement tout. Et ce n’est pas plus mal car Paul est fin tisseur de climats et d’ambiance et il pérennise son approche de la musique électronique au sein d’Extreme Precautions. Les morceaux présentés ce soir me paraissent être de longs développements, riches en accidents et en évolutions, capables ainsi d’alterner des parties indus extrêmement agressives – le genre que même Ministry n’a jamais réussi a pondre - avec des accalmies et des évolutions composées de dizaines de couches sonores formant une strate lourde. Si la promesse du projet n’est que partiellement tenue sur ses climax les plus farouches, l’ensemble du set n’est pas une déception pour autant. Aussi instinctive et sauvage qu’elle soit sensée être, la musique d’Extreme Precautions affiche des moments d’une beauté qui laisse admiratif.

La plus grosse surprise de la soirée c’est que Godflesh est monté sur scène en moins de 5 minutes sans la moindre galère technique. Pas de laptop qui lâche au moment de refaire un soundcheck rapide. Pas de multiprise capricieuse. Pas d’adaptateur qui crame. Pas de guitare muette. Pas d’amplis rebelles. Pas de projection erreur 404. De la VHS ré-encodée diffusée sur un écran de taille cinéma sans rien à signaler, le grain est épais et se lance en même temps que la boite à rythme qui appelle lentement la guitare 23 cordes de Broadrick et la pelle à ramonage de Ben Green. Seul petit souci : le son attendu, celui d’un 15 tonnes qui t’atterrit sur le museau n’est pas là. En lieu et place, une sono timide qui permet d’avoir une conversation dans le public sans hausser le ton. Merde. Si il y a bien un truc que j’ai appris d’un concert de Godflesh (cf. le glorieux passage à la Villette Sonique en 2012) c’est que le moindre kick est capable de me retrousser le jean. Là rien, un pet dans une boum de fin d’année. Il faudra attendre le troisième morceau pour que le son soit progressivement arrivé à son sommet et que le moindre coup de médiator soit une punition et que mon froc se retrouve avec 4 ourlets à chaque coup de latte de Green ou de « the machine ».

Spite, Mothra, Like Rats retentissent avec gloire dans une Gaieté Lyrique qui se retrouve terrassée par les longues punitions de la chaire divine.

Sur scène ça ne change pas – et ce n’est pas prévu : le duo, sans batterie, sans second guitariste, se concentre à restituer « a world lit only by fire » jusqu’à un shut me down agrémenté tout du long par des scratchs (on est très sceptiques). Sinon c’est l’autoroute du dernier album. Broadrick courbé ou hurlant maltraite sa guitare et reste ce non technicien (de son propre aveu) qui s’acharne et s’évertue à laisser vivre son son sa propre vie. Il gratte comme un possédé et laisse agir la magie des résonnances des cordes métalliques et de ses micros sublimés par ses amplis et pédales. Le vrai meneur, celui qui tient le son, la cadence et le rythme Godflesh, celui qui structure les chansons et les mélodies c’est Green, le taciturne bassiste qui a chaque coup de pelle aplatit toute la salle. Il faudra attendre la fin du set pour que le duo quitte enfin ses derniers enregistrements pour se concentrer sur son passé. Spite, Mothra, Like Rats retentissent avec gloire dans une Gaieté Lyrique qui se retrouve terrassée par les longues punitions de la chaire divine. Le groupe fait croire à une première sortie sur une ambiance des plus étranges : Green jette sa basse au sol, comme excédé, tandis que son camarade le suit un peu plus tard. Bien sûr sans dire un mot, il reprendra sa 4 cordes des enfers pour infliger un dernier Crush My Soul avec le frère Broadrick, mais la sortie sera à peu près similaire. Peu d’enthousiasme de la part du bassiste, alors que son guitariste se montre beaucoup plus heureux, comme si il voulait sauver les meubles. N’en demeure que si le duo continue d’éviter soigneusement de jouer le moindre morceau d’Us And Them (pour Songs et Hymns on peut comprendre), album largement sous-estimé et extrêmement réussi, Godflesh a encore calé une sacré taloche à son public. Quelques jours après l’impressionnant spectacle de Prodigy au Zénith et à l’improbable performance ultra puissante de Sleaford Mods la semaine suivante, les quadras anglais sont parmi les musiciens les plus puissants a actuellement fouler le sol français.

 

Crédits photos : Andrey Kalinovsky / CSAOH

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