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Ghost BC + Ides Of Gemini 07/05/2013 @ Théâtre Corona Virgin Mobile, Montréal

Portrait de William
Ghost BC + Ides Of Gemini 07/05/2013 @ Théâtre Corona Virgin Mobile, Montréal

Pardonne-moi Seigneur, car j'ai péché… Encore une fois, je n'ai pu résister à l'appel du Malin. J'ai tenté si ardemment de ne pas vous décevoir à nouveau. En mes veines s'écoule un poison qui ne semble pas vouloir se dissiper. Le mal est en moi, je le sens. La tentation était trop forte, je n'aurais jamais dû me retrouver à l'intérieur de ce rituel funeste. Le récit que je m'apprête à Vous raconter ne mérite pas Votre miséricorde. Malgré cela, je Vous supplie de m'écouter jusqu'à la toute fin.

Lors de ma sortie de la bouche de métro avoisinant le lieu de la cérémonie, je ressentais déjà pleinement l'énergie qui émanait des profondeurs. Les nombreux disciples peuplaient déjà les environs de ce théâtre maléfique. Je ne pouvais plus faire demi-tour, je n'étais qu'un pauvre pion sur l'échiquier des abysses. Ma destinée était alors incontrôlable, mon corps suivait un tracé sur lequel je n'avais aucune emprise. Mon inconscient me dirigeait directement dans la gueule du loup, je réalisai l'ampleur de la situation lorsque j'ouvris mes yeux. La façade ténébreuse de la salle était invitante, l'odeur du houblon et de l'encens vinrent effleurer mon odorat. Mon coeur battait à vive allure, j'étais figé à la fois par la peur et par l'excitation devant la porte des Enfers. Le Cerbère était à son poste, prêt à refuser l'accès aux non-initiés et à contrôler sa clientèle impure.

Quelques respirations suffirent pour retrouver le courage qui m'avait mené jusque-là. Je révélai ensuite le mot de passe au gardien afin d'obtenir l'accès à cette soirée clandestine. L'influence du Très-Bas se ressentait jusque dans les plus subtils atomes de la pièce. De somptueuses diablesses valsaient dans toutes les directions. En un rien de temps, le liquide interdit emplissait nos gobelets jusqu'au rebord. La valse du péché était enfin entamée, la fumée jaillissait de l'impressionnante scène et une inquiétante mélodie se fit entendre. À travers la pénombre, trois silhouettes se distinguèrent. Deux d'entre elles appartenaient à de sublimes femmes vêtues de noir. L'élégance et la distinction caractérisaient précisément ces créatures diaboliques, la timidité angoissante de leurs actions ajoutait à l'énigme de leur musique. Mon esprit corrompu se déhanchait sous les rythmiques lancinantes de la guitare et se laissait transporter par le chant évasif et gracieux. La simplicité des mélodies suffisait étonnamment à nous envoûter dans cette froide valse occulte. Ce mystérieux orchestre provenait de loin et avait pour but de nous plonger dans un état adéquat pour affronter l'étape supérieure. Ces démons sont étonnement originaire de la cité des anges située en Californie, ils sont sous la tutelle des grands devins de Neurot Recordings. Les astres semblent s'aligner pour qu'ils gravitent les échelons du vice en un temps record. Nous venions d'assister à la danse funèbre de Ides Of Gemini, de jeunes suppôts de Satan qui prennent leur travail au sérieux.

L'entracte n'en est jamais réellement une dans ce genre de rassemblement, nous devrions plutôt la considérer comme une beuverie. À chaque nouveau rituel, l'achalandage ne cesse de croitre. Le maître des profondeurs récolte constamment des adeptes et pour ce faire, il envoyait cette semaine son principal porte-parole… l'intimidant Papa Emeritus II. L'entrée en scène du cardinal maléfique ne se fit pas sans heurt, les incantations démoniaques en latin se mêlaient à la fumée et à l'encens. La puissance que dégageait cette introduction était sans pareille, le sang se figeait sous notre peau. Notre respiration diminuait à petit feu et la mort nous emportait doucement entre ses bras si accueillants. C'est au moment de trépasser que l'apôtre malsain vint maudire l'audience avec son regard glacial et sa prestance phénoménale. Ses cinq subordonnés avec qui il formait la troupe Ghost, l'appuyaient avec fougue dans sa démarche pernicieuse. Papa Emeritus transmettait les douces paroles de notre maître incontesté, Satan. Les nouvelles incantations rafraichissaient son discours, et malgré une différence stylistique, l'efficacité était toujours au rendez-vous. Les nombreux disciples récitaient en choeur avec leur patron de splendides chants de vénération et d'admiration envers le Malin. La communion était absolue, nous étions tous retombés en enfance. Tel un élève de maternelle, nous étions intimidés par la puissance inébranlable du Tout-Puissant. Les fresques religieuses qui habillaient la toiture du théâtre commençaient à s'effriter pour laisser place au voile d'obscurité qui se dégageait de la scène. La musique était grandiose et magistrale, la générosité que la troupe dégageait était de mauvais augure pour ses adeptes. Ce rituel était si bon qu'il aurait très bien pu être le dernier, celui qui nous permettrait d'atteindre l'extase finale. Les lamentations des guitares n'avaient d'égal que l'efficacité du clavier, de lugubres sonorités se créaient en constance. Nous buvions littéralement les paroles du messie à travers nos gobelets, le vice coulait à travers nos veines. Le péché était omniprésent dans la salle et pour une fois, nous ne nous sentions pas méprisé par la société. C'est à ce moment d'excès total que j'ai perdu conscience, l'ivresse de plaisir vint à bout de mon système nerveux. Encore une foi, Satan avait eu raison de moi...

Pardonne-moi Seigneur, je Vous promets que je ne recommencerai plus.
Amen.

Crédits Photos : François-Carl Duguay / Laligneaharde.com

Chroniqueur montréalais pour Pelecanus depuis juin 2010 ayant participé à l'organisation de concerts ainsi qu'au défunt projet de webradio.

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