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Factory Floor + Jon Hopkins + Four Tet 05/06/2014 @ Villette Sonique 2014, Paris

Portrait de Annabelle
Factory Floor + Jon Hopkins + Four Tet 05/06/2014 @ Villette Sonique 2014, Paris

La nuit du jeudi 5 juin 2014 était placée sous le bel étendard de l’electro. En effet, la Villette Sonique avait alors signé pour une soirée pleine de sons bons pour le corps et l’esprit (sûrement validée par un ORL quelque peu imbibé). En guise de préliminaires, nous avons pu assister à la prestation de Factory Floor, très décevante, et peu convaincante. Après cette démonstration glaciale qui ne méritait même pas un walk of shame musical, il était temps de nous laisser aller à la tendre et violente étreinte de Jon Hopkins, pour enfin libérer nos corps engourdis sur les rythmes entêtants de Four Tet, tel Atlas ce soir-là, portant la terre sur ses épaules fatiguées.

Factory Floor, interférences musicales

Je ne m’étendrai pas sur la prestation de Factory Floor (mais si vous n’étiez pas là et que vous êtes curieux, le live est visible sur le site d’Arte Concert). Factory Floor est véritablement un groupe qui vous fabrique de la musique d’usine. Tout est répétitif, désincarné, statique. Après la curiosité vient l’ennui. À force de voir les mouvements perpétuellement répétés de Gabriel Gurnsey, Dominic Butler et Nik Colk (qui ont franchement l’air aussi intéressé par leur musique qu’un enfant devant une assiette d’épinards), je décide de déguerpir, fissa. Non seulement ce qui se passe devant mes yeux ne provoque en moi aucune émotion, mais en plus mon mal de tête me donne l’impression que le son ambiant viendrait de mon smartphone mis en mode détente-vacances à côté d’une enceinte. Durant leur prestation, les Londoniens sont aussi chaleureux que leur gracieuse reine, laissant au public le rôle des Life Guards.

Lorsque l’on parle correctement, on ne dit pas « Factory Floor, en live, c’est chiant à mourir », mais plutôt « Factory Floor, c’est éthéré, on ne le voit pas au premier abord, mais il y a dans cette désinvolture un investissement artistique ». Non.

 

Jon Hopkins, seins nus & electro émue

Rien qu’à l’évocation du nom de ce jeune homme, j’ai personnellement l’échine prête pour l’épilation. Après l’excellent album Immunity sorti en 2013 (mais aussi Insides, Contact Note et Opalescent), voir cet artiste en live est un peu comme assister à la mise en scène, en lumière et en son d’un vieux rêve refoulé. Sous l'antre de la Grande halle de la Villette, l'ambiance est complètement survoltée, alors qu'en réalité, il est seulement 21 h 30. Ici, nous faisons tous comme si la nuit était déjà bel et bien entamée. L’alcool qui coule dans nos veines n’a pas encore pris le dessus, et pourtant, nous sommes heureux tels de grands enfants. Jon Hopkins et son quasi-monosourcil à la Emmanuel Chain ne réfrènent aucune fangirl dans ses ardeurs érotiques, allant jusqu’à danser seins nus. Ces derniers dévoilent sous nos yeux une jolie déclaration d’amour destinée au Londonien de 35 ans, donnant simultanément envie à la foule de faire exactement la même chose.

Les images qui défilent derrière Jon Hopkins sont celles des clips Open Eye Signal et Collider, ainsi que des animations géométriques rappelant celles de la couverture de son dernier album. On le sait, la plupart des artistes electro (malins) aiment animer leurs apparitions en ajoutant des images, puisque quelque peu dépouillées lorsqu’elles se limitent à leur Mac et une table de mixage. Seulement, même si le spectacle semble assez complet, Jon Hopkins ne se repose pas sur les artifices. Au contraire, il déploie toute la diversité de ses sons, passant de Breathe This Air, We Disappear, à la chanson très dansante Insides (résolument plus dub, et provenant de son album précédent), ou encore Collider et Light Through the Veins. Jon Hopkins, maître de l’ambient flottant, du dubstep magnifié, et de l’atmosphérique métaphorisme musical millimétré. Il n’oublie pas son public et oriente ses choix vers le mouvement plutôt que la catalepsie. Sans jamais penser de façon tranchée, il opte pour un relativisme très animé.


Four Tet, le retentissement du gong

Kieran Hebden, ou Four Tet pour les intimes, débarque lui aussi tout droit de Londres. Dans le « milieu de la musique electro », il est considéré tel un demi-dieu. Toujours entouré d’une simplicité parfois proche du minimalisme, le jeune homme n’a d’yeux et d’oreilles que pour ses belles machines. Malheureusement pour lui, il semble que le choix de sa programmation en fin de soirée ait joué en sa défaveur. Le public ne veut pas se remettre de la prestation de Jon Hopkins.

Pourtant, même si certains partent avant la fin, il ne faut pas être trop dur avec lui. La patience paye souvent. Ce soir, Four Tet nous offre un live propre, impeccable, en accord avec la justesse et le travail qu’on lui connaît d’ordinaire dans ses productions (comme avec son projet précédent, Fridge, résolument post-rock). En plus d’une heure de live, les morceaux de son dernier album Beautiful Rewind parviennent tout de même à convaincre. Grâce à son talent indéniable et sa maîtrise parfaite des genres musicaux dont il dispose avec une aisance imperturbable, Four Tet réussit l’exploit de nous consoler de Jon Hopkins. Nous passons d’un hypnotisme à un autre, réfractaires et méfiants au début, pour parvenir à un accord total à la fin. La jeune nuit de la Villette Sonique semble arriver à son terme. Alors, l’alcool aidant (soyons honnêtes), les corps se meuvent par protestation, ils refusent l’arrêt — pourtant inévitable — d’une bien belle soirée.

J'ai plus de films d'horreur vus à mon compteur que l'enfant fantasmée de John Carpenter et Dario Argento. J'aime écouter de la musique et en parler, surtout ici.

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