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EYEHATEGOD + Orange Goblin 17/08/2013 @ Glazart, Paris

Portrait de DMDFC
EYEHATEGOD + Orange Goblin 17/08/2013 @ Glazart, Paris

A défaut de voir Eyehategod en plein bayou, le milieu naturel du groupe, on se contente du cagnard du mois d’août qui, si il est relativement raisonnable (29°), l’est nettement moins dans la salle du Glazart. Les grands patrons du Sludge s’apprêtent à y partager l’affiche avec Orange Goblin, autre légende bien plus sage de la guitare qui ramone le bas ventre.

Étrange organisation ce soir au Glazart pour cette seconde soirée orientée rock lourd/stoner /doom/sludge/foutl’étiquettequetuveuxtoutlemondes’enbranle. Quand Eyehategod lance ses premiers larsens, une bonne partie du public est encore dehors en train d’attendre de pouvoir entrer. Mais ça fait déjà 30 bonnes minutes que la queue à l’entrée a cette longueur - sans compter que le concert commence presque une heure après l’heure affichée sur le billet, donc personne n’est pris en traître… Bref, ça traîne, de manière assez inexplicable, et même en étant bien placé dans la file on entre quand même en ayant raté 3 ou 4 morceaux. Pas grave, puisque pour la première fois de ma vie je réalise que l’insonorisation est catastrophique : on entend presque aussi bien de dehors qu’à l’intérieur de la salle.

Pendant une éternité, EHG n’a pas foutu un orteil en France (ou en Europe ?) pour jouer, alors que son aura était en train de prendre des proportions énormes. Au début des années 2000, après des années à jouer dans quelques clubs d’initiés ou en première partie de Pantera ou White Zombie, la sauce commençait à prendre autour de la scène doom et ses ramifications, via le succès du stoner, le développement de Southern Lord, et même via l’intérêt pour le drone d’un certain public moins fanatique de metal mais plus enclin à s’enquiller les rares disques de La Monte Young.

Finalement, le gang de la Nouvelle-Orléans vient dans la capitale pour la troisième fois en trois ans. Bien sûr, ces visites se font sans aucune autre raison que celle de se faire plaisir, pas pour vendre le moindre album. Il faut dire que le dernier enregistrement du groupe a déjà 13 piges, et qu’en dehors de quelques chansons ici et là, Bower et ses potes n’ont pas fait grand chose dans le cadre d’Eyehategod. Et si le groupe s’est fondé sur le principe d’une musique teigneuse, méchante, et profondément crade, le plaisir d’être sur scène montre un réel contraste avec l’identité du groupe. Eyehategod est sale, rampant, puissant, lourd et mauvais. Mais les mecs sont en train de sourire en permanence, font des petits cœurs avec les mains, et font preuve d’un réel enthousiasme à être là, devant quelques centaines de personnes.

Le propos reste le même, pourtant. Les guitares atteignent un volume infernal, boueux, plongeant la salle dans un bain de distortions grasses. Patton et Bower inondent le Glazart de riffs blues mutés, drogués. Williams a toujours sa dégaine de l’oncle qu’on évite en réunion de famille, complètement ravagé. Un problème technique viendra le confirmer : le type n’est plus vraiment là, et essaie d’improviser du mieux qu’il peut pendant le blanc. Et c’est pas simple. Mais ce qui impressionne le plus chez Eyehategod, c’est cette manière improbable d’assurer une précision aussi remarquable dans une musique aussi bordélique et crade. Les larsens sont partout, les riffs débordent dans tous les sens, LaCaze, le batteur, semble parfois en roue libre avec ses roulements et cassures, pourtant, tout est extrêmement carré, précis.

Eyehategod, c’est cette manière improbable d’assurer une précision aussi remarquable dans une musique aussi bordélique et crade.

Cette précision dans la saleté laisse admiratif. En point d’orgue, l’enchaînement Lack of Almost everything/Serving In The Middle Of Nowhere, où le mix de groove et de chaos est à son apogée. Au bout du compte, 50 minutes de show en première partie (étrange choix d’ailleurs) Eyehategod, la légende, continue de mettre à genoux tous les imprudents qui se sont essayés à l’aventure du rock dégueu et lourd depuis une petite dizaine d’années : ces types là sont les patrons, et disposent d’un savoir faire qui manque cruellement à beaucoup.

L’air est devenu totalement irrespirable, et les 20 minutes de battement entre les deux groupes sont indispensables pour aller prendre l’air, au son d’une techno martelante sur la Plage du Glazart. Retour en salle, accueilli par une chaleur étouffante quasi palpable. Orange Goblin est également une légende dans son jeu, puisque fier représentant d’un stoner anglais, avec les charmants gentlemen d’Electric Wizard et pas si loin de feu Dukes Of Nothing. Sauf qu’à la différence d’EHG, Orange Goblin est bien plus glorieux, fier que le posse de la Nouvelle Orléans. Les bras levés au ciel, chaque riff, chaque morceau, est un hymne que le dévoué public réceptionne avec enthousiasme.

Orange Goblin a un petit côté stoner pour routier plutôt bien foutu, qui enchaîne les riffs qui collent au crâne [...]

De fait, Orange Goblin a un petit côté stoner pour routier plutôt bien foutu, qui enchaîne les riffs qui collent au crâne, et exécuté avec une discipline remarquable qui me fait fortement songé à leurs potes de Scissorfight. Le son dans la salle est d’ailleurs incroyable ! Les murs tremblent sous chaque coup de grosse caisse et la basse envahit tout l’espace déjà particulièrement moite de la salle. Ward ne cesse d’interpeller la foule, lui aussi étant très communicatif sur sa joie de jouer à Paris (visiblement, une première).

Mais si Orange Goblin est une formation qui ne manque pas de qualité au moment d’enquiller ses tubes de stoner, le passage après la tempête EHG est assez difficile, et leur rock colossal, impeccablement branlé, manque cruellement de caractère. Eyehategod donne l’impression d’un feeling incroyable pour orchestrer son bordel à la personnalité légendaire, tandis que Orange Goblin semble bien plus appliqué à réciter ses albums dans la bonne humeur. Pas forcément un mauvais point, pourrait-on dire, mais le décalage après les allumés du bayou est quelque peu cruel. Les fanatiques sont conquis, gloire leur est largement rendue au bout de la petite heure de show.

Crédits photos : Andrey Kalinovsky / CSAOH.com

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