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Earth + Mount Eerie + Ô Paon 15/03/12 @ La Maroquinerie, Paris

Portrait de Andrey
Earth + Mount Eerie + Ô Paon 15/03/12 @ La Maroquinerie, Paris

Ah, Earth. Mélodies très simples, mais rendues étonnement profondes par un subterfuge des plus obscurs, notes distillées au compte-gouttes comme les rations d'eau dans un désert aride, une ambiance unique qui sent bon le sable chaud et la chaleur étouffante ... Voici les images qui me viennent en tête lorsqu'on évoque ce groupe. Mais c'est aussi exactement le genre de groupes dont la musique est tellement personnelle qu'il devient très dur de juger de sa qualité en live, j'ai ainsi eu des avis très partagés de la part des personnes les ayant déjà vu. Alors, ça passe ou ça casse ?

Mais avant de répondre à cette ô combien importante question, attardons-nous un peu sur la première partie, présente ce soir sous forme de deux groupes, ou plutôt de deux personnes, les deux étant en effet des one-man bands. Pour la première "formation", Ô Paon, on pourrait même parler de one-woman band, car c'est une jeune Québequoise qui montera sur scène, pieds nus et guitare en main. Armée de quelques pédales dont un looper très bien utilisé, elle nous interprétera un set d'une trentaine de minutes, que je ne pourrais qualifier autrement que d’envoûtant. Si je ne connaissais pas du tout cette artiste avant le concert, je suis immédiatement tombé sous le charme de cette voix douce, presque enfantine, mélangeant d'une manière très équilibrée ce chant (par ailleurs avec des paroles en français !) avec des mélodies de guitare, simples mais ingénieuses. La demoiselle s'est de plus avérée très communicative et n'a pas hésité à remettre à sa place (avec humour) un fan bruyant, faisant par ailleurs exception au reste de la salle, étonnement calme.

Bref, une artiste que je surveillerai à l'avenir, et un succès total devant ce public qui ira même jusqu'à demander un rappel (du jamais vu pour ma part), refusé par la chanteuse, car "il y a encore deux autres groupes à passer".

Et c'est bien dommage, car si l'on m'avait demandé mon avis, j'aurais volontiers remplacé le set de Mount Eerie par une autre demi-heure avec cette Canadienne. Pourtant dans l'absolu la recette n'est pas si différente: une voix (masculine, cette fois), une guitare, des effets. Mais là, la magie n'opère pas; sans être mauvaises, les compositions de cet artiste à voix étonnement aiguë me paraissent quelconques, et les effets, bien qu'ayant une sonorité sympathique, n'ajoutent pas de dimension spéciale, et me rappellent finalement ces mecs qui passent quinze minutes à empiler des reverbes pour ensuite appeler ça des "textures" et se baigner dans des vagues de hype. Bon, je suis peut-être un peu dur, la prestation du musicien étant quand même loin de l'ennui absolu, mais sur une échelle de un à "épisode de Derrick", ça vaut bien un cinq. Ou alors suis-je le seul vieux con avant l'heure resté totalement insensible à l'oeuvre du bonhomme ? Possible, au vu de la durée des applaudissements clôturant son set.

Et c'est après une pause relativement courte que le groupe de Seattle s'installe sur scène. Premier constat, point d'amplis what mille watts sur scène (par ailleurs, je n'aurais pas mis mes bouchons d'oreille une seule fois de la soirée, du jamais vu là aussi), le groupe ayant définitivement tiré un trait sur leur passé drone; ici on a droit à une configuration typée "nouveau Earth", à savoir: batterie, basse, guitare et violoncelle. Prévisible, mais toujours un peu décevant, en sachant que, pour ma part, j'ai toujours préféré l'ancienne période, avec notamment Pentastar, l'album que t'as envie d'écouter en roulant à fond dans le désert du Nevada, au volant d'un muscle car. Mais non, seulement un morceau de cette époque sera joué (Tallahassee), pour le reste, il faudra se contenter des derniers opus du groupe. Et c'est là que ça devient extrêmement personnel, car tout se passe au cas par cas. Si l'on arrive à accrocher à l'ambiance d'un morceau et à se plonger dans son univers, c'est parfait, en revanche si ce n'est pas le cas, c'est parti pour dix longues minutes pendant lesquelles on a largement le temps de penser au film qu'on a vu hier soir. J'alternerai donc entre moments d'envoûtement (notamment au troisième morceau) et des moments d'ennui, qui sembleraient même presque être partagés par les musiciens s'il n'y avait pas Dylan Carlson.

En effet, la présence de cet homme ayant l'air de sortir directement du dix-neuvième siècle et représentant, à quelques choses près, la classe incarnée, apporte à elle seule largement assez de charisme pour tout le groupe. L'homme met donc tout son coeur dans chaque note, même lorsqu'elle est répétée des dizaines de fois, de façon à ce que l'on sente vraiment que c'est SON groupe et SA musique. Il s’avérera de plus très sympathique et divertira le public par des petites anecdotes entre les morceaux, son micro ne lui servant à priori qu'à ça. Le groupe enchaînera des morceaux essentiellement piochés dans deux de ses trois albums les plus récents, en nous interprétant donc, entre autres, les deux premiers morceaux de Angels of Darkness, Demons of Lights I et les deux Omens and Portens ainsi que le morceau eponyme de The Bees Made Honey in the Lion's Skull (remaniés pour le nouveau line-up du groupe), avant de disparaître. Je quitterai donc la salle avec un horrible mal de dos à force de rester débout, immobile, et un avis plutôt mitigé, tant il y eut à la fois de quoi entrer en transe et s'ennuyer tout au long de cette soirée.

J'aime les ours, le whisky et les internets.

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