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Cult of Luna + God Seed 09/05/2014 @ Le Trabendo, Paris

Portrait de Estelle
Cult of Luna + God Seed 09/05/2014 @ Le Trabendo, Paris

Un jour, on m’a dit que mon comportement vis-à-vis de Cult of Luna relevait de la dévotion. Sur le moment j’ai trouvé le mot un peu fort, presque insultant. Dans mon esprit, il était associé à des réactions extrêmes dans lesquelles je ne me retrouvais pas et que je condamnais intérieurement. Mais après réflexion, j’ai bien été obligée d’admettre qu’il y avait une part de vérité là dedans : Cult of Luna n’était plus un simple groupe dont j’étais fan ; il était devenu quelque chose de beaucoup plus.

Dévotion : attachement quasi-religieux à quelque chose ou à quelqu’un.

Le 17 décembre dernier, une série de messages postés sur Facebook annonce que le groupe a l’intention de débuter une pause à durée indéterminée, mais pas avant d’avoir donné un dernier concert durant le festival Beyond The Redshift à Londres. J’ai beau lire et relire "Cult of Luna will not die", je n’arrive pas à me débarrasser du sentiment persistant que ce hiatus est un doux euphémisme derrière lequel se cache la fin, la vraie.

Le voyage Lyon-Londres est à peine bouclé (vous avez dit "dévotion" ?) quand j’apprends que la tournée commune avec God Seed fait étape à Paris le 09 mai. Le jour de ma propre étape parisienne. Parfois, je me dis qu’il n’y a pas de hasard.

 

Eclectisme : attitude, disposition d'esprit portant à choisir sans exclusion parmi des catégories de choses ou de personnes très diverses.

Hérétique pour certains, excitante pour d’autres, la présence de God Seed sur cette tournée a beaucoup fait parler d’elle. Tout le monde y est allé de son petit commentaire, alimentant ainsi l’éternel débat "pour ou contre le mélange des genres au sein d’un même concert".

Alors qu’on aurait pu s’attendre à voir un Trabendo partiellement déserté au profit d’une pause bière/cigarette en terrasse, le public est étonnamment fourni quand les Norvégiens montent sur scène.

 

Comme beaucoup, je connais le passif musical de Gaahl et King Ov Hell au sein de Gorgoroth sans vraiment le connaître. Comprenez par là que je n’ai jamais pris la peine d’écouter un de leurs albums. C’est exactement le même cas de figure avec God Seed. C’est probablement pour cette raison que j’ai été si surprise par ce concert.

Là où je m’attendais à un black metal relativement banal, j’ai découvert une musique beaucoup plus subtile et nuancée. On retrouve bien évidemment les éléments indissociables du genre : vitesse d’exécution, triple dose de blast beats… Mais parfois, une nappe de claviers samplée se glisse au milieu d’un morceau, lui donnant immédiatement une teinte prog des plus surprenantes.

Impossible de ne pas s’attarder sur Gaahl. Il faut dire que le personnage est assez impressionnant. On le sent complètement habité par sa musique. Impassible, il arpente la scène de long en large, prenant un malin plaisir à fixer les premiers rangs droit dans les yeux. Croyez-moi, dans le combat qui oppose le public à l’homme qui ne cille jamais, le premier sort rarement vainqueur… Et quand c’est le cas, l’élu est honoré d’un signe de la bête à quelques centimètres de son visage. Ça fait son petit effet.

En d’autres circonstances, j’aurais volontiers abandonné mon esprit à la noirceur dégagée par la musique de God Seed mais ce soir, je suis d’obédience lunaire. Conséquence directe, l’ennui finit par s’installer et le dernier quart d’heure me semble bien long…

 

Cérémonie : ensemble des formes extérieures et régulières du culte religieux, des célébrations mystiques.

La nouvelle est tombée dans l’après-midi. Aux alentours de 15h, une photo de Claes Rydberg au Trabendo fait son apparition sur la page Facebook de Cult of Luna. Ce qui ne devait être qu’un simple concert prend subitement une toute autre dimension. Le réseau social s’affole ; mon cœur aussi.

Quelques heures plus tard, le moment tant attendu est enfin arrivé.

Débarrassons-nous tout de suite des points négatifs. Durant près de deux heures, les pains et autres approximations ont été légion. Quiconque a déjà vu les Suédois sait qu’ils sont coutumiers du fait et ce concert ne fait pas exception à la règle. Certains ont pourtant été extrêmement déçus par ce manque de "professionnalisme" et n’ont pas réussi à passer outre. Et là se pose la question des attentes vis-à-vis d’un concert. Préfère-t-on un groupe techniquement irréprochable mais visuellement chiant à mourir ? Ou accepte-t-on de grincer des dents sur quelques accords foireux et de se prendre une énorme claque avec tout le reste ? Sans hésitation, mon choix se porte sur la deuxième option.

Car si l’exécution était loin d’être parfaite ce soir, le groupe, lui, n’a jamais été en telle symbiose avec sa musique.

Il faut attendre quelques morceaux pour que la magie opère. En début de set, les Suédois ne sont clairement pas à l’aise. On les sent distants, préoccupés. La faute peut-être à ces problèmes techniques qui touchent la majorité d’entre eux, nous privant entre autres de la guitare d’Erik Olofsson pendant de longues minutes. Et puis arrive "Ghost Trail".

La musique se fait plus fluide, les gestes moins gauches et toute la retenue dont ils semblaient prisonniers s’envole d’un coup. On se retrouve alors face à un groupe qui n’est plus tout à fait là. Chez certains, ça se manifeste juste par un regard perdu au loin ; chez d’autres, au contraire, on se lâche complètement à l’image de Johannes qui se perche frénétiquement sur tous les retours à portée de pied. Il ira même jusqu’à slammer deux fois durant le concert. Oui, vous avez bien lu. Deux fois.

C’est également durant "Ghost Trail" que Claes fait enfin son entrée. Si notre dernière rencontre en 2007 m’avait laissé la désagréable impression que le cœur n’y était plus, ce n’est pas du tout le cas ce soir. Il suffit de voir son engagement total, entrecoupé de nombreux contacts avec le public. Comme on pouvait s’y attendre, l’effet est immédiat. Les premiers rangs se soulèvent, hurlent à s’en arracher les poumons…. C’est simple, je n’ai jamais vu un public de Cult of Luna se déchaîner à ce point et faire preuve d’une telle ferveur à son égard. Ce soir, je n’étais clairement pas la seule dévote.

 

Le groupe profite de la présence de son ancien chanteur pour piocher dans son vieux répertoire. "The Watchtower", "Beyond fate",  "Genesis"… Quel plaisir de découvrir ces titres sur scène ! La setlist n’est pas entièrement remaniée puisqu’on y retrouve aussi des morceaux déjà présents sur la tournée précédente mais ce soir, il s’en dégage quelque chose de différent. Je pense notamment à ce final époustouflant de "Dark City, Dead Man" qui voit les trois guitaristes pointer leur instrument vers le ciel. Oui, ils font toujours le coup mais cette fois, on pouvait y sentir quelque chose de plus fort qu’un banal automatisme scénique.

 

"Leave Me Here" vient mettre un terme à l’un des meilleurs concerts de Cult of Luna auxquels j’ai assisté. Il serait facile de chercher un lien symbolique entre ce morceau et sa position finale. De même qu’il serait tentant de voir dans la débauche d’énergie du groupe un baroud d’honneur. Mais alors que je commençais à m’engager dans cette voie fataliste, une phrase m’est revenue à l’esprit. "Cult of Luna will not die". Et cette fois, je l’ai crue.

Crédits photos : Andrey Kalinovsky / CSAOH.com

Quand je ne regarde pas une compétition de saut à ski, j'écoute de la musique à un volume sonore déraisonnable.

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