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Coachwhips + Man or Astro-man ? + Ty Segall band 06/06/2014 @ Villette Sonique 2014, Paris

Portrait de DMDFC
Coachwhips + Man or Astro-man ? + Ty Segall band 06/06/2014 @ Villette Sonique 2014, Paris

C’est parti pour l’édition 2014 de la Villette Sonique, soit le meilleur festival parisien, malheureusement sans trop de difficulté. Chaque année voit son lot de groupes importants et géniaux, méconnus ou indispensables s’entasser sur une affiche finalement toujours un peu trop petite. Le seul reproche qu’on peut faire à ce fest qui ressemble plus à une compilation de concerts, c’est de n’avoir toujours pas prévu de billet forfait… et vu le taux de remplissage des soirées rock, il faudra peut-être y songer à terme. Mais sinon, toujours une joie d’attendre l’annonce du line up, chaque année, et de constater que cet événement a des allures d’ATP français pour nous.

Coachwhips [...] s’évertue à jouer une sorte de bluegrass aux amphets, entre garage, blues et country.

Soirée garage/surf/rock pour fêter le débarquement. Coachwhips tout d’abord. Le groupe a ses adeptes, puisque formation du mec de Thee Oh Sees, John Dwyer, phénomène californien qui à chaque nouvelle publication voit son cercle de fans s’agrandir un peu plus. Coachwhips, si j’ai bien suivi, est son ancien groupe qu’il reforme pour l’occasion, et s’évertue à jouer une sorte de bluegrass aux amphets, entre garage, blues et country mené par Dwyer à la guitare et au chant, par une damoiselle au clavier et un batteur au kit se résumant au strict minimum. Vu que la grande halle de la villette est une très grande salle, le trio décide de s’installer en bas de la scène sur une petite scène improvisée pour l’occasion. Le Parisien pouvant arriver jusqu’au premier rang va très nettement se délecter de ce choix : au bout du quatrième morceau, le groupe est invisible, noyé sous le public qui a pris d’assaut leur terrain de jeu. Ca n’empêche en rien Coachwhips de jouer inlassablement son rock entrainant, incitant même la sécu sérieusement énervée par la situation à dégager le champ. 30 minutes de chaos, public sens dessus-dessous –enfin 50 personnes, ça en fait quelques centaines sur la touche. Dwyer est venu se faire plaisir, sa popularité est bien assurée et Coachwhips remporte le suffrage. Efficace.

Il y a quasi 15 ans (c’était un 25 juin), j’étais tranquillement affalé dans mon canap' en train de regarder la télé. D’un coup, le signal s’est brouillé et 4 aliens venus d’une galaxie lointaine sont venus perturber une célèbre émission de la quatrième chaine. Lesdits aliens avaient pris forme humaine et s’étaient vêtus de combinaisons oranges, jouant un punk surf aux contours galactiques. Mettant le feu littéralement à son casque, le bassiste et ses potes ont mis le feu (métaphoriquement) sur le plateau du show TV. Il m’a fallu quelques années encore après ce premier contact pour amasser la discographie du groupe et souhaiter profondément les voir sur scène. Malheureusement, les aliens s’étaient mis en stand-by et il aura donc fallu de nombreuses années avant, enfin, de voir le résultat sur scène. Quant à cette télédiffusion, je vous laisse le soin de dénicher ça par vos propres moyens sur les internets.
 

Débile mais profondément malin, MAOM ? offre juste un putain de spectacle, jouisif, énergique, créatif.

Petite déception d’entrée de jeux : Le décor est simple. Pas de TV, pas d’écrans circulaires, pas de thérémine, pas de tuyaux dans tous les sens. Seulement un écran géant derrière pour diffuser les extraits de vieux films SF et les messages informatifs nécessaires au bon déroulement des choses. Et de fait, Coco the Electronic Monkey Wizard, bassiste de son état, et membre le plus « visuel » du groupe est resté cloitré au cœur de son système solaire, ayant visiblement enfanté un petit alien et ayant choisi de ne pas assurer cette tournée. Birdstuff et Star Crunch ont donc fait le trajet avec un remplaçant et surtout avec Avona Nova, leur plus récente recrue. Par contre, aucun doute dès le début : Man Or Astro-Man ? envoie de la purée avec efficacité. Bien dans la gueule. Son surf punk taré prend toute son ampleur sur scène. Birdstuff, notamment, est un batteur totalement fou. Allant chercher les breaks les plus tordus, son jeu de batterie est totalement fascinant. Assurant le rythme comme un instrument de composition à part entière, il se permet de quitter son kit pour aller régulièrement faire le con au premier plan avec le public. Avona Nova est une guitariste incroyable, de son côté. Elle joue avec une dextérité remarquable et enchaine les riffs et les plans avec une aisance folle. Les mecs (et la fille) de Man or Astro-man ? font partie de ces groupes suffisamment tarés pour avoir élevé la connerie à un niveau de quasi compèt’, mais leur talent de musiciens les place sérieusement. Débile mais profondément malin, MAOM ? offre juste un putain de spectacle, jouisif, énergique, créatif. Je suis heureux d’avoir comblé une curiosité qui traine depuis si longtemps, mais désormais je veux les revoir avec le line-up complet. Et comme Devo ou The Locust, je suis ravi de voir des groupes ne pas se prendre au sérieux mais aptes à foutre une sévère tarte une fois sur scène.

Derrière, Ty Segall mobilise bien plus le public de la soirée : clairement, ce sont eux les stars, ce sont eux que les 75% du public sont venus voir. Au moins. D’ailleurs ce ne sont pas « eux » ; c’est « lui ». Et on comprend vite pourquoi. Ty Segall, jusque là, je ne connaissais que de nom et au vu du descriptif, je ne suis pas la cible. Arrivé au bout de la deuxième mesure ce constat ne changera pas.

Ty Segall semble être une sorte de surdoué hyper prolifique du rock indé à tendance garage US, capable d’enregistrer avec une cadence incroyable ses albums. Il monte un groupe à son nom et part en tournée. Ty Segall ressemble à n’importe quel fan de Nirvana, a une bonne bouille de bon copain. Il joue de la guitare plutôt bien et a un sens de la composition assez efficace. Du coup, avec son orchestre, sur scène, c’est très direct et éloquent. Du rock aux bases simples couplet/refrain et toutes les nuances qui vont autour. La grosse surprise, c’est le son qui est colossal. Le bassiste impose ses 4 cordes via un ampli qui semble trop juste pour contenir les puissantes ondes émises par l’instrument des enfers en amont. C’est toute la grande halle qui tremble. C’est une dame qui tient la batterie et elle tient le rythme sans souci, mais visiblement jouer de la batterie la fatigue terriblement. Quasi pas de roulement, elle fait simplement le rythme - comparé au fou de Man Or Astro-Man ?, elle paraît ridicule. Ses toms sont très bas et ses bras semblent tomber d’épuisement dessus. Vu l’énergie qu’elle met par rapport au son du groupe, j’imagine le volume de dingue que les mecs à la table de mixage sont obligés de sortir derrière pour la faire sonner. Autant dire qu’en répèt, le métronome est plus efficace. Mais pas de pains, pas de ralentissements. Tiens bon !

Ty Segall Band me fait penser à une version sucrée et polie de Graveyards [...]

Les guitares sont hyper saturées, quasi metal, mais jouent ces riffs acceptables et épiques, à la limite de la pop. Bien branlé, Ty Segall Band me fait penser à une version sucreé et polie de Graveyards – ne me demandez pas pourquoi, avec la voix du chanteur de Mansun. Oh. Quoi ? Tu parles de ce vieux groupe britpop de la fin des années 90 ? Oué, avec ses relents androgynes là… Bah je ne sais pas pourquoi, mais je pense à ces références là. Mais surtout, ce qui me choque, c’est le nombre de gens complètement hystériques à chaque nouveau morceau. Le public connaît les paroles par cœur, le nombre de types qui font des mouvements air guitar en ayant les genoux qui se touchent me paraît insensé. Et c’est toutes les tranches d’âge qui sont présentes. Des jeunes, vingtaine récemment atteinte, et des quinquas tirant déjà largement vers la décade suivante. Spectacle honorable pour un public déjà conquis, Ty Segall donne sa guitare à un gazier venu se jeter dans le public et le concert se termine. Une bonne première soirée.

 

Crédits photos : Patrick Baleydier

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