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Oxbow - The Thin Black Duke (2017)

Portrait de Max Cayer
Oxbow - The Thin Black Duke (2017)

La Bay Area de San Francisco est un sol fertile en ce qui attrait à la musique, des groupes très importants ont des racines dans cette région du nord de la Californie. Neurosis, Faith No More, Primus, The Residents, pour ne nommer que ceux-là. C'est aussi le territoire de chasse privilégié d'un tout autre type d'animal sauvage, un groupe qui depuis plus de trente ans pousse et repousse les limites du rock, du métal, du delta blues, de la musique de chambre, du nihilisme, psychédélisme et de l'art de créer le malaise. 

Je parle bien sûr d'Oxbow. Quatuor inclassable, unique, effrayant et vulnérable en même temps, si une telle chose est encore possible. Un groupe qui s'affaire à démembrer la musique moderne, réduire en miettes les supposées règles, et les réécrire à sa façon. Oxbow est en quelque sorte une île déserte que peu d'avions survolent, et que peu d'aventuriers osent aller défricher.

Ils arrivent enfin, dix ans après The Narcotic Story, avec le tant attendu The Thin Black Duke, un album concept qui est tout simplement incroyable, inclassable, indomptable, qui ne fait pas de prisonniers, qui s'efforce de nous séduire tout en sourire, avec l'arrière-pensée de nous empoisonner et d'ensuite nous découper en morceaux pour mieux y boire notre sang, le tout habillé d'un complet en velours rouge vin. 

La musique est tout simplement sublime et malfaisante en même temps, emplies d'urges brutales, de dynamiques polarisantes, quelque part entre le bruit et l'avant-garde, le pop et le baroque, le rock et le Noise, et ce même si le groupe choisit l'instrumentation classique d'un groupe rock standard, ils s'efforcent d'essayer de canaliser les envies primales de l'insatiable bête qu'est l'homme, dans un cadre d'expression méticuleuse et cérébrale. Le tout ne peut qu'être aussi qualifié de "punk" dans le sens le plus pure du terme puisqu'aucune attention n'a été portée aux supposérs règles de comment utiliser lesditd instruments et traiter la manipulation sonore, autrement dit un autre grand doigt d'honneur aux supposées règles.

The Thin Black Duke est mené certes par la voix (les voix) et la poésie unique d'Eugene Robinson mais aussi par la vision musicale du génial Niko Wenner, qui s'est plus inspiré de la technique formelle de la musique classique dans son écriture que de celle d'un groupe rock afin de renforcer les idées, les étirer, les remodeler et ainsi faciliter la répétion de certains thèmes musicaux que l'on retrouvera à travers l'opus. 

Le quatuor complété par l'inébranlable voire incommensurable section rhythmique de Greg Davis et Dan Adams est ici augmentée d'orchestration baroque, de cordes et de cuivres qui viennent vraiment donner une couleur spéciale et un son feutré unique à cette œuvre magistrale. La production est excellente, portée par l'expérience de Joe Chiccarelli ( Beck, Frank Zappa, Morrissey) qui partage la réalisation avec Wenner. Le son est tranchant, méticuleux, clair et jouissif.

Le résultat en est réduit à cet éternel combat entre la raison et l'instinct animal, qui nous habitent tous, cette voix interne qui nous parle de chaos et d'envies tard dans la nuit et celle de l'ordre et de la raison qui nous fait fonctionner comme des humains normaux le jour.

On peut dire que dans le cas d'Oxbow, c'est l'instinct animal qui triomphe. La soif qui ne s'étanche pas, la dissonance et la structure, la mélodie et l'abstraction, la tension et l'exultation. 

Le monde est un endroit moins sombre lorsque des groupes comme Oxbow se chargent d'éviscérer le mal pour nous. 

Pour conclure, une citation du batteur Greg Davis : "Écoute, peu importe ce qu'on fait ou la direction que nous prenons, ça sera toujours du Oxbow, ce qui veut dire que la majorité des gens n'y comprendront rien et n'aimeront pas et c'est tout à fait correct".  

Nous, les fans, ne le voudrions pas autrement. 

Oxbow - The Thin Black Duke (2017)
Oxbow
The Thin Black Duke
Cold & Well Lit Place
Ecce Homo
A Gentleman’s Gentleman
Letter Of Note
Host
The Upper
Other People
The Finished Line
Batteur pour Nous Étions et Argument, bassiste pour Valeri Fabrikant et The Band Of Peace, père de famille, maniaque de musique en tout genre.

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