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Gnod – Just Say No To The Psycho Right-Wing Capitalist Fascist Industrial Death Machine (2017)

Portrait de DMDFC
Gnod – Just Say No To The Psycho Right-Wing Capitalist Fascist Industrial Death Machine (2017)

Gnod est extrêmement prolifique, capable d’assurer des sorties d’albums de grande qualité chaque année. Après un « Mirrors » qui, dans mon cas, a fini dans le top album 2016 sans trop de difficulté et déjà un an après le fabuleux « Infinite Machine » dont les grandes forces continuent de faire leur effet, sublime double album inépuisable.

Gnod est un groupe, plutôt une incarnation, absolument fascinante et ce pour plusieurs raisons. La formation vit au Islington Mill, ancien moulin reconverti en résidence d’artistes dans la ville de Salford, où les musiciens de Gnod vivent au milieu d’artistes vidéastes, graphistes, acteurs en tout genre. Ensuite, Gnod n’est pas une entité figée mais un groupe à géométrie variable comme on dit, où un membre peut être de première importance sur un album et complètement absent du second. Ainsi, « Mirrors » avait été enregistré en rang resserré, 3 personnes, après l’opulent double album précédent, avant de repartir en tournée à 6 musiciens dont 2 batteurs se faisant face pour des performances mémorables. Ajoutez à cela, enfin, que le groupe, que l’on qualifie généralement de krautrock psychédélique, ne se range derrière aucune étiquette, et est capable d’enregistrer un album de doom suivi d’un autre dédié au dub industriel, avant d’enquiller sur un disque live de pur ambient, et proposant donc des tournées au diapason : en mode soundsystem ou en groupe rock plus traditionnel.

C’est Rocket Records qui se charge de publier ce nouvel enregistrement du collectif, prouvant que la maison a définitivement bon goût (Shit And Shine, Hey Colossus, Goat…). Même si le groupe est prolifique, il n’a pas tendance à surcharger ses productions. Ici, seulement 5 morceaux - c’est déjà 2 de plus que sur Mirrors. Une certaine concision dans l’opulence qui n’est pas déplaisante. Ce « just say no » (vous ne nous en voudrez pas d’aller à l’essentiel du titre), album clairement politisé et impliqué se concentre sur ce qui a fait la réputation du groupe, avec ce qui semble avoir été l’incarnation de sa dernière tournée. Paddy Shine mène la troupe (probablement le seul membre permanent), accompagné notamment de Chris Haslam, Marlene Ribeiro et Alex Macarte, qui martèle parfois la batterie pour Gnod, souvent en place derrière le synthé modulaire, et qui, accessoirement, tient la basse chez Arabrot – pour ne citer que les plus récurrents. Le tout pour un disque de rock qui, même si nous préférons éviter les classifications, sonne comme une version plus musclée et agressive d’un Krautrock. Mais d’un krautrock singulier, celui que défendait le feu batteur de Can qui expliquait que pour lui, il n’était pas un batteur rock mais participait à la composition à part entière en dessinant des motifs rythmiques sortant des facilités pour chaque morceau. Ici, dans cette conception, le rythme, puissant, soutenu, doublé, est au cœur des développements de l’album. Lent et vindicatif, il mène « people », deuxième morceau s'étalant sur près de 10 minutes. Plus rapide et soutenu, il est la force imparable de « Real Man », excellent morceau à l’efficacité redoutable. Devant, on admire les lignes de basses puissantes, les guitares tranchantes qui savent se mettre en silence plutôt que de tout miser sur le riff permanent, et l’emploi intelligent des sonorités électroniques, que cela soit le travail sur les samples désincarnés ou les oscillateurs en furie.

Bien sûr, avec le mode de vie du collectif et le titre de son album, le disque est aussi là pour parler de son époque, de son moment, de son espace. Et derrière l’efficacité réelle de sa production musicale, Gnod nous parle de l’homme dans son histoire, contemporaine, scrutant la déshumanisation, morale ou physique qui guette chacun – Shine décrit les gens par leur aspect, par les détails, par ce qui peut nous trahir dans une époque qui broie l’individu moralement, économiquement, socialement. Un disque donc intelligent et superbement présenté qui nous conforte dans ce que l’on se dit depuis déjà quelques années : Gnod est un groupe qui compte et dont la production discographique demeure passionnante.

 

Gnod – Just Say No To The Psycho Right-Wing Capitalist Fascist Industrial Death Machine (2017)
GNOD
Just Say No To The Psycho Right-Wing Capitalist Fascist Industrial Death Machine
Bodies For Money
People
Paper Error
Real Man
Stick In The Wheel
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