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EYEHATEGOD - Eyehategod (2014)

Portrait de Julien
EYEHATEGOD - Eyehategod (2014)

14 ans se sont écoulés depuis le dernier album d’EYEHATEGOD, ce qui peut paraître un tantinet long. Avant de taxer l’ensemble du groupe de feignasses accomplies, il faut considérer l’actualité brûlante du frontman Mike Williams, rincé par l’ouragan Katrina, incarcéré pour possession de stupéfiants (so what ?) et désintoxiqué à l’arrache dans une pittoresque prison dont les USA ont le secret. Bref, rien de vraiment étonnant pour le légendaire Mike IX dont les étapes de la vie sont si semblables aux cases d’un certaine idée du jeu de l’oie, version poisseuse et scabreuse bien entendue. D’ailleurs, artistiquement parlant, cela ne l’a guère ralenti : à son actif, ces dernières années, un premier roman aux accents Burroughsien (Cancer as a Social Activity), un second en cours d’écriture, et diverses collaborations dont le mémorable Corrections House (voir chronique de l’album par Martin). Du travail studio, certes. Mais pour avoir vu EYEHATEGOD en live au Glazart en août dernier, puis Corrections House à la Flèche d’Or en novembre, difficile de reprocher à Williams de ne pas tenir une forme impériale.

Bonne idée la rehab’, Mike ! Maintenant, tu vas pouvoir composer d’autres œuvres scabreuses et poisseuses, mais en plus grand nombre.

14 ans donc. C’est certain, c’est long. La régularité n’a jamais été le fort d’EHG de toute façon… Titre du présent album ? EYEHATEGOD. L’éponymie valant pour l’identité de la musique, plus que jamais enracinée dans le Delta du Mississipi : du southern rock et du blues, comme seul EHG peut l’interpréter (une définition toute personnelle de l’amplification). Au niveau du lineup, peu de changements, si ce n’est un nouveau batteur, Aaron Hill, remplaçant Joey LaCaze disparu en août dernier. A part ça ? Mais rien de neuf précisément, si ce n’est le retour de EHG, c’est-à-dire une charge sonore malveillante comme jamais.

Nous abordons l’album avec Agitation ! Propaganda ! morceau résolument punk, dont les sonorités et les thématiques peuvent faire penser non sans raison à Black Flag. La désintoxication, ça va deux secondes : nous retrouvons du Dopesick dans Parish Motel Sickness, Framed to the Wall, Robitussin and Rejections ainsi que Medicine Noose. Analepse d’un Mike IX à croupetons dans une chambre sordide de motel, le garrot autour du bras, une orchidée rouge s’épanouissant dans la seringue ? Toute interprétation possible, même si du fait du background nous aurions tendance à réduire le champ des possibilités. Le son produit une impression indescriptible de moiteur : c’est chaud, c’est convulsif, c’est enragé. Si ce n’est quelques accents bluesy, cette musique fait mal. Une nouveauté, l’emploi du « chant » spoken word sur Flags and Cities Bound, procédé expérimenté par Williams dans Corrections House. La profondeur et la pertinence du propos y gagnent, et cela ne ralentit nullement le morceau qui n’en bouillonne ultérieurement que plus fort. L’album se conclut par le très ironique The Age of Bootcamp, véritable assaut musical très gras, sans doute pour signifier tout le mal qu’il en pense.

Certains fans de la première heure pourront être déçus par l’opus. Le degré d’attente est proportionnel à sa longueur. Il est vrai, ce fut très long. Réécoutez cet album avant de vous prononcer. L’essence de EHG reste exactement la même. Au bout de la troisième écoute consécutive, mon cerveau est très affairé à faire des bulles dans le liquide spino-cérébral. Signe de quoi, je ne sais pas, mais cela fait de l’effet. En cause certainement, la voix inimitable de Mike IX Williams, résident permanent des nuits crapoteuses de la Nouvelle Orléans qui semble, pour citer Kurt Vonnegut, auteur qu’il apprécie tout particulièrement, « rigoler comme un dingue en enfer ». Et ce, tout en restant comme il se doit parfaitement naturel. So what ?

EYEHATEGOD - Eyehategod (2014)
Eyehategod
Eyehategod
Agitation ! Propaganda !
Trying to Crack the Hard Dollar
Parish Motel Sickness
Quitter’s Offensive
Nobody Told Me
Worthless Rescue
Framed to the Wall
Robitussin and Rejections
Flags and Cities Bound
Medicine Noose
The Age of Bootcamp
J'aime les chats roux, les pandas roux, Josh Homme et Jessica Chastain.

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