Ancestors - Neptune with Fire (2008)

Bien que nous soyons face à un album de 2 morceaux pour un total de 38 minutes, je ne sais pas par quel bout commencer. 2 morceaux et 38 minutes et autant à dire, autant à vivre. Ancestors est un de ces groupes à vous faire chavirer d'une seconde à l'autre, sans prendre le temps de vous ménager, non, parce que la musique et en particulier la leur, ce n'est pas être ménagé, ce n'est pas un seul et même schéma, c'est le risque et l'inconfort momentané d'un mur de son larsené pour accéder à la grâce. Ancestors, c'est la vie.

Cette chronique, je vais la dédier à toutes les personnes qui aiment encore la musique mais qui s'accrochent à ces têtes de gondoles que sont Pink Floyd ou Black Sabbath et qui croient du haut de leur vécu que la musique a changé, que les choses étaient mieux il y a 20 ou 30 ans. Ceux-là même qui auraient l'audace et l'outrecuidance de prétendre que cette musique est décédée, étouffée par le mercantilisme de quelques producteurs et autres encravatés qui ont aujourd'hui transformé cet art en baril de lessive. Messieurs, lisez cette chronique mais surtout écoutez ce groupe. Et osez me dire qu'après ces légendes plus rien n'a existé. Et est-il nécessaire de préciser que ce groupe est loin d'être un cas isolé ?

Les choses étant mises au clair, parlons un peu de Neptune with Fire. Tout comme pour pas mal de groupes que vous retrouvez sur notre site, rien ne se résume à un mot ou à une étiquette musicale. Et ce n'est pas Ancestors qui va changer la donne et par ailleurs me faciliter l'exercice. Né sous la forme d'un trio en 2006, c'est après l'apport de 2 nouveaux musiciens qu'ils sortiront ce premier album en 2008 via le label new-yorkais Tee-Pee Records. Comme dit en introduction, le groupe ne peut être résumé à une seule surface plane et lisse tapant tantôt dans le lourd stoner par le son, tantôt dans le progressif dans la forme. Il aime se faire le guide touristique foutrement talentueux du meilleur des genres amplifiés. L'album s'ouvre sur Orcus' Avarice, un morceau avec une première phase fleurant le bon stoner des familles, suivie d'une voix qui pue l'alcool, d'un gros riff gras qui laisse entrevoir des paysages désertiques du pays de l'oncle Sam. On roule à 140 km/h la gueule au vent puis soudain la basse vient graver cet instant dans l'éternité. Un peu à la manière d'un cinéaste vous vous imposez un ralenti, la poussière s'ancre à jamais dans vos bronches et vous grattera jusqu'à votre mort. Ça prend des allures de jam halluciné, ça s'étire, ça s'étend et ça vous montre chacun des grains de sable du désert dans lequel vous êtes maintenant piégé. Piégé momentanément puisque le groupe en a sous le pied. Dès le deuxième morceau, un orgue vient nous rappeler que rien n'est sûr, rien n'est acquis avec les 5 gaillards de Los Angeles. Après plus de 5 minutes de jam aux volutes psychédéliques, Neptune with Fire est frappé d'un mur de son indescriptible, comme une transition floue, noise et brumeuse qui vous ouvre les portes vers un autre univers. Ou plutôt un non-univers, vous me suivez ? Ancestors c'est un voyage, et ils viennent de vous assener une ellipse sans crier gare. Vous avancez sans marcher, guidé par 5 pilotes hallucinés qui vous bercent désormais avec un riff teinté post-rock à la batterie lourde et martelante suivi du retour de l'orgue et d'une voix de femme qui, personnellement, me donne l'impression, après un break au silence pesant, que je ne suis plus rien qu'une masse d'atomes au gré du vent. Magistrale fin d'album, lourde et à la fois complètement bouleversante qui vous emporte et vous fait comprendre que c'est cette énergie qu'ils viennent de faire partir en éclats qui est importante et rien d'autre. Nous sommes bien malgré nous ici, remplis de vie mais les grains de sables soi-disant impérissables ont disparu. L'éternel est transcendé. Ancestors c'est la vie.