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Alcest - Shelter (2014)

Portrait de Jean-Simon
Alcest - Shelter (2014)

Pour un groupe Black-metal, migrer vers un univers Shoegaze, puis Post-rock ambiant peut s’avérer un pari risqué. Bien sûr, parce que les amateurs du genre son parmi les plus fidèles, mais aussi puisque bien qu’underground, les scènes de ces sous-catégories ne sont pas connexes.

Alcest a pourtant relevé le défi avec brio en livrant ce magnifique Shelter. De ses débuts folk metal aux enregistrements des plus lo-fi, le projet solo du multi-instrumentiste français qu’on appelle Neige, n’a jamais cessé d’évoluer, surprenant à chaque offrande son auditoire. Ce plus récent gravé est toutefois le plus achevé pour l’artiste que vous retrouverez sans doute dans les liner notes de beaucoup de vos albums black favoris.

Souvenir d’un autre monde a été le moment le plus noir d’Alcest jusqu’ici; opus sur lequel on a pu apprécier toute l’étendue du talent et des références du combo. Mais venons-en à Shelter: il poursuit l’évolution créatrice de Neige qui, après ses explorations metal, a bifurqué vers le shoegaze pour arriver, à terme, à ce document sonore d’une grande beauté.

Ici, ça ne martèle pas. On plane avec le groupe entre plusieurs couches de lumière. Évidemment, on rencontre dans le voyage quelques turbulences (notamment sur Opale, ou Shelter) mais les transitions, loin d’être carrées, guident l’auditeur entre le sombre et le clair, le paisible et l’agité, la mélodie et le bruit.

Il n’y a donc pas de moments que l’on peut associer clairement à l’un ou l’autre des pôles d’influences d’Alcest. Le groupe s’est plutôt assuré qu’un nuage de vapeur nappe les passages d’un épisode à l’autre.

C’est donc dire que lorsqu’on amorce l’écoute de Shelter, on est transporté durant ses 46 minutes jusqu’à son dénouement épique, Délivrance. On l’apprécie de la même manière qu’un rêve doux, mi éveillé, lors d’une sieste en plein soleil.

L’orchestration et l’enrobage des pièces y est d’ailleurs pour beaucoup. L’utilisation des cordes rappellera à certains l’intensité et l’émotivité de Sigur Ros, à l’époque de Takk. Quant aux voix fantomatiques, elles récitent – en français sur 6 des 8 titres – des textes sensibles et impressionnistes. Leur superposition aérienne ajoute à la profondeur de l’instrumentation.

Sur L’éveil des muses (mon titre favori sur ce Shelter) et Voix sereines, les chorales et les guitares claires se fondent en une magnifique architecture de sons et d’espaces. Et c’est sur ces morceaux que toute la puissance d’Alcest se déploie : c’est si grand, parce que ça respire.

Et même si les mélodies sont parfois «rentrées à la barre à clou» dans la trame de la chanson, c’est un défaut qu’on pardonne volontiers à Alcest, puisque c’est le seul de cet album grandiose.

Bref, Neige a créé un disque cohérent, d’une grande finesse, en plus d’en travailler jalousement l’amplitude en post-production. Un disque de grande qualité et d’une profondeur sans nom.

9,5/10

Alcest - Shelter (2014)
Alcest
Shelter
Wings
Opale
La Nuit Marche avec Moi
Voix Sereines
L'Éveil des Muses
Shelter
Away
Délivrance
Journaliste et brigadier des Internets (oui oui), je vous ponds des critiques de disque analytiques sur des groupe qui font dans le «garoché». ISIS est ma muse, pis moi sur twitter c'est @jsimonfabien.

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