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Deathwish Fest 2015, Converge + Trap Them + Harms Way + YAITW 01/06/2015 @ Le Trabendo, Paris

Portrait de Annabelle
Deathwish Fest 2015, Converge + Trap Them + Harms Way + YAITW 01/06/2015 @ Le Trabendo, Paris

Moult adorateurs barbus se sont réunis pour cette première soirée de juin afin de répondre à l’appel du label mythique Deathwish Inc. Mais ils ne sont pas les seuls. Arrivée au Trabendo, le constat est évident : tout le monde aime Converge (soyons sérieux, nous étions surtout là pour eux). La variété du public fait plaisir à voir, et ce soir, c’est un peu comme au MacDo : venez comme vous êtes et surtout, venez nombreux et nombreuses. Ici, on découvre des collections de tatouages à faire frémir le fameux tueur du très bon Monsieur Malaussène, la bonne humeur et la tendresse en plus. Parce qu’on ne le rappellera jamais assez, l’univers du métal est surtout celui de l’amour.

Une ouverture décontractée qui ne fait que nourrir mon impatience de voir Converge sur scène.

Le festival commence tôt avec Young And In The Way – un nom de groupe tout à fait approprié –, des petits dudes de Caroline du Nord assez énervés, bien punks, fétichistes de la cagoule qui aiment pas mal le black métal. Le niveau de qualité de la soirée est annoncé sans avertissement et sans fioriture, et celle du son du Trabendo ne fait qu’ajouter à l’atmosphère bouillonnante de la foule déjà bien dense. Sans nouvel album depuis 2014, mais avec de très bons titres sous le coude, Kable Lyall (au chant) et ses potes donnent de leur personne comme jamais. Torse nu — bien évidemment — il finit sur l’un des beaux caissons de basse de la salle, poumons au niveau de la glotte et cheveux dans le vide. J’ai secrètement envie de lui dire qu’il est trop jeune pour mourir et que ce pit, bien qu’accueillant, n’est pas encore prêt à recevoir son corps frêle, mais je choisis de headbanger en silence plutôt. Et le pire arrive : il saute, les gens s’écartent. Les morceaux s’enchaînent et l’excitation augmente doucement, nos oreilles se voyant joyeusement agressées par le merveilleux Betrayed By Light. Une ouverture décontractée qui ne fait que nourrir mon impatience de voir Converge sur scène. Mais pas si vite, il va falloir supporter Harms Way.

Je n’aurais certainement jamais assisté de mon plein gré à un live de Harms Way.

Oui, supporter. Je risque de me faire pas mal d’ennemis, mais je suis prête. Je suis née pour nourrir les haters, venez à moi. J’aime le hardcore, je le promets. Aussi loin que je m’en souvienne, j’en suis tombée amoureuse au lycée. Mais déjà à cette époque, les gros musclors débiles — à la manière du chanteur de Harms Way — et leur troupe dévouée de créatures fragiles mettant des coups de poing dans le vent en sautillant, étaient pour moi une torture. La powerviolence version Archie de Mystères et Compagnie se met au culturisme. J’aimerais tant faire des moulinets en l’air avec vous — et en short —, vraiment, mais tout ce que j’ai récolté de la prestation des gros butors de Chicago, c’est un fou rire. Et je ne m’en excuse pas véritablement, car j’ai trouvé cela crétin du début à la fin. Je n’aurais certainement jamais assisté de mon plein gré à un live de Harms Way. Tout ce que je vois et entends est feignant et bête, dans une ambiance digne du temps où « c’était trop cool d’écouter de la musique violente, car personne ne nous comprenait ». Ma seule consolation étant d’imaginer Gérard Nacutel à la place de James Pligge en ricanant. Bien peu de choses me direz-vous. Pardonnez-moi les coreux, car j’ai détesté. Alors, ma conclusion sera simple : Gérard Vives, reviens, tu manques à la télévision française.

C’est donc passablement blasée et agacée que j’assiste au set de Trap Them, qui, sans forcément révolutionner mon univers, a au moins le mérite de se différencier de ses prédécesseurs. Les personnes de deux mètres devant moi me bloquent la vue, mais heureusement, autour, les gens bougent. Quoiqu’à ce stade de la soirée, c’est encore étrangement mou, ce qui ne peut que créer quelques angoisses. Jacob Bannon va-t-il jouer devant un parterre de vieux fruits de mer fatigués ? Pas si sûr. À mon grand malheur, je loupe le moment où le chanteur s’est visiblement explosé le front au point de finir son show la gueule en sang. Ni vraiment emballée par ce que j’entends ni totalement horripilée, c’est donc un Trap Them mi-figue mi-raisin pour moi.

Après plus de vingt ans de carrière, Jacob Bannon est toujours aussi incroyable de puissance.

Mais le miracle est enfin opéré par Converge, sans passer par Lourdes. Jacob Bannon, Kurt Ballou, Nate Newton et Ben Koller ont à peine fait une note que le public devient littéralement hystérique. À la neurasthénie d’il y a quinze minutes s’impose une joyeuse récréation — quelque peu musclée — généralisée. Plus d’une heure de concert dans l’allégresse, ça slame de partout, au point de faire atterrir Andrey à côté de moi dans la fosse alors que cinq minutes avant, il surfait tranquillement au-dessus de la foule, le poing levé vers le ciel en agrippant férocement son appareil photo. Converge joue ses meilleurs morceaux, emportant tout le monde avec lui aux premières notes de All We Love We Leave Behind. L’amour est partout, surtout lorsque l’on cogne cordialement son voisin, couvert de sueur, dans un échange de fluides corporels sans compromis. Je perds mes bouchons, sens les futurs bleus à venir sur mon corps, un sourire béat sur le visage. Le groupe termine obligatoirement avec Jane Doe, rapidement suivi d’un rappel enragé de trois chansons. Après plus de vingt ans de carrière, Jacob Bannon est toujours aussi incroyable de puissance. Généreux, heureux et irréel, c’est le bilan de ce véritable spectacle effréné, cette bulle temporelle constamment prête à éclater. Lorsque les Américains quittent la scène, j’ai pris la claque de ma vie. J’ai enfin vécu mon premier concert de Converge.

J'ai plus de films d'horreur vus à mon compteur que l'enfant fantasmée de John Carpenter et Dario Argento. J'aime écouter de la musique et en parler, surtout ici.

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